RAY BROWN – Oscar Peterson – We get Requests

Ray Brown au sein du trio d’Oscar Peterson sur le disque We get Requests

We get Requests

RAY BROWN – Oscar Peterson – Night train

Ray Brown au sein du trio d’Oscar Peterson sur le disque Night train

Night train

RAY BROWN – Ben Webster meets Oscar Peterson

Une analyse du jeu de Ray Brown au sein du trio d’Oscar Peterson avec Ben Webster.

Ben Webster meets Oscar Peterson :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ben_Webster_Meets_Oscar_Peterson

The touch of your Lips

Présentation de la rythmique en huit mesures : à gauche Oscar Peterson et Ed Tighpen, à droite Ray Brown. C’est ainsi que commence ce disque.

Dès les premières secondes, Ray Brown est au centre de la rythmique ou plutôt à droite si l’on se réfère à la séparation stéréophonique de l’époque qui nous parait bien étrange aujourd’hui. Mais elle donne une place prépondérante à la contrebasse et rend hommage au son unique du maître si difficile à capter et à mixer en 1959.

Qu’est-ce qui est énoncé dans cette présentation ? Le swing évidemment, à la fois rigoureux et affirmé, mais sans tension excessive. Exactement ce qu’il faut pour que la décontraction de Ben Webster puisse s’épanouir. Loin de l’écrin soyeux ou un peu tape-à-l’œil, c’est un tapis assez neutre avec suffisamment de matière et de résistance comme une table de travail sur lequel le saxophoniste peut malaxer le son puissant de son ténor.

Sur le thème.

RB alterne une mesure à la blanche et une mesure à la noire. Le procédé est discret mais la relance est efficace et établit un dialogue avec le ténor. Au milieu du thème l’interaction se complexifie (mes. 31) mais sans outrance et avec beaucoup de tact de la part des deux musiciens. La fin du thème redevient plus limpide préparant ainsi le prochain évènement.

Stop chorus.

Premier temps. Où est la basse ? La voilà sur le temps suivant. Plus qu’un écho de la batterie, c’est une sorte de double détente qui projette le swing encore plus haut. Puis vient la walking, avant tout mélodique. Les excursions de RB s’aventurent sur deux octaves et demi contrastant avec le soliste qui s’en tient à une tessiture plus restreinte pour travailler la pâte sonore. La ligne de RB enrobe la musique, définit ses contours et s’étale dans un espace vertical alors que les notes de Ben Webster se déployent à l’horizontale. A Ray Brown l’espace, à Ben Webster la matière. Le swing solide et apaisé, installé par la rythmique donne au discours de Ben Webster une fragilité imprévue. The Touch of your Lips.

A vous M. Peterson !

Lorsque le piano prend la suite, Ray Brown et Ed Tighpen montent d’un cran la tension rythmique. Les noires semblent un peu plus appuyées sur les 2ème et 4ème temps de la mesure, la ligne un plus anguleuse : séquences de tierces, enchainement d’octaves. Mais le swing est retenu, pas d’emballement lors de cette séance. Dernières notes du solo d’Oscar Peterson : une figure rythmique avec des noires répétées.

Ray Brown

RB reprend la phrase d’OP, y ajoute un arpège en explicitant l’harmonie, répète les notes (mes. 137) puis retourne dans les graves pour les répéter à nouveau (mes. 139). Le tempo s’étire vers le fond du temps pour imposer la contrebasse dans l’espace sonore. Les phrases qui suivent sont de pures mélodies. Une phrase plus bop (mes. 146-147) énonce l’harmonie sans ambiguïté. Vient alors la modulation qui nous surprend, appuyée par le rythme qui se brise. La mélodie, se glissant parfaitement dans l’enchainement de II-V, nous ramène surement vers la tonalité d’origine (mes. 151 à 155) d’abord très au fond du temps pour rester suffisamment présente puis monte vers l’aigu. Un motif rythmique naît, inspiré du thème, se développe et nous ramène une octave plus bas pour éclater dans un triolet qui anticipe l’harmonie mais finit sur la note du thème. Après le silence (mes. 160), la note qui vient, étrangère à la tonalité, anticipe encore l’harmonie et la mélodie dont elle est extraite. Mais son placement, une octave plus bas dans les graves, et l’attaque vigoureuse de RB la mettent singulièrement en valeur : cela pourrait être une citation du thème, mais cela devient la pierre angulaire du chorus. Les mesures suivantes soulignent la succession des II-V pour aboutir à une des fins que RB affectionne particulièrement. Un motif répété de la gamme de blues, étirant le tempo comme un élastique (mes. 166-167) dont la détente relancera le swing, se fond dans la walking qui revient avec naturel en l’espace d’une mesure à peine. On se rend compte que la tension rythmique est restée au même niveau de décontraction et de swing tout au long du chorus.

Retour au thème de fin.

La rythmique reprend la première moitié de la grille à la noire. Ben Webster semble hésiter une fraction de seconde et préfère inventer une nouvelle mélodie à la place du thème trop délicat pour l’énergie déployée par ses comparses. La walking évite tout aspérité et reste linéaire jusqu’à la modulation où elle scande l’harmonie (mes. 180 à 184). La deuxième moitié de la grille revient au thème et reprend le dialogue du premier exposé avec quelques triolets en plus pour maintenir la tension et l’intérêt rythmique. Deux turnarounds avant de conclure et chacun ponctue à sa manière la dernière phrase magnifique de Ben Webster.

RAY BROWN – Oscar Peterson Trio + One

Ray Brown au sein du trio d’Oscar Peterson avec Clark Terry.

Oscar Peterson Trio + One :
https://en.wikipedia.org/wiki/Oscar_Peterson_Trio_%2B_One
https://www.discogs.com/fr/master/293150-Oscar-Peterson-Trio-Clark-Terry-Oscar-Peterson-Trio-One

Clark Terry lance la première phrase de ce thème aujourd’hui oublié. La réponse de la rythmique claque. CT finit sa phrase. La ponctuation de la rythmique est posée comme un point d’interrogation. CT répond. On retrouve bien la structure mise en place par le compositeur F. Loesser. Mais il faut à CT toute sa science pour donner vie à ce thème qui n’avait pas grand chose pour retenir l’attention des jazzmen. Les 16 premières mesures s’achèvent en diminuendo, la deuxième partie du thème en crescendo avec la dernière phrase de CT qui prend son envol vers l’aigu.

Au signal, Oscar Peterson allume la mèche avec un motif en triolet de croches répétées.

En deux mesures le swing explose. Tonique-quinte-tonique-quinte puis la tonique rebondit vers la tierce (sol grave) et la walking est lancée à toute vitesse ! On a l’impression d’un coup d’accélérateur… mais le tempo n’a pas bougé ou alors imperceptiblement. Tout est dans le placement de la noire sur le temps. Qui est devant ? Ed Tighpen ou Ray Brown ? Dans cette joute vers le sommet (du temps) tout le monde est gagnant et le swing est viscéral. Mais il ne faudrait pas croire que les esprits s’emballent, que l’adrénaline prend le dessus. La précision est diabolique. C’est une course joyeuse et effrénée accomplie de sang froid. Et c’est bien l’impression qui se dégage de cette captation (Mack The Knife – Oscar Peterson Trio & Clark Terry – Finland 1965) L’effort est minimal, le swing maximal. Le secret réside-t-il dans la décontraction ?

Après l’incipit explosif, la walking est linéaire montant et descendant la gamme. Le renfort des chromatismes permet aux notes de l’harmonie de tomber sur le 1er et 3ème temps et donne le liant nécessaire. RB brise cette construction trop prévisible et regagne notre attention : II-V (mes. 39-40), saut de deux octaves (mes. 45), enchainement de toniques approchées par la quinte diminuée sur des II-V (mes. 47 à 49), motif répété (mes. 60-61). Sur la fin de ce chorus, l’énergie d’OP dans le swing est telle qu’on en vient à se demander si RB et ET ne retienne pas le tempo depuis le fond du temps alors qu’on les pensait près du sommet.

Clark Terry chorusse sur une mise en place proche du thème sur 16 mesures seulement. Les dernières mesures marquent le retour du swing (mes. 78-79) comme une fusée à plusieurs étage ; allumage de la rythmique, réacteur principal de M. Ray Brown, boosters de M. Ed Tighpen sur un break très inspiré. La walking reprend pour les 32 mesures suivantes en anticipant le premier temps répondant ainsi à l’appel d’ET. Les quatre premières mesures glissent sur la gamme avant l’arrivée d’une partie plus anguleuse : skips et syncope (mes.87 à 89). L’alternance des lignes linéaires ou chahutées se poursuit jusqu’à la fin du chorus de CT. RB explore deux octaves et demi dans ses walkings avec une assurance dont tous les contrebassistes rêvent. A peine remarque-t-on que le groove est un peu moins plein au delà du sol aigu (mes. 92) mais c’est pour amplifier le contraste avec le si grave (mes. 94) qui vient après un rebond sur le sol à vide. S’ajoute à cet effet, l’harmonie retardée d’une noire qui retient notre attention (mes. 94-95). CT allonge trop sa dernière phrase pour enchainer avec le thème. Une hésitation au sein du quartet. Mais ET a continué, sentant que le moment du dernier exposé n’était pas venu. Le break de RB et OP n’en est plus un. Le pianiste prend les choses en main et se relance, temporise sur un genre d’interlude qui nous fait patienter.

Mais aucune faiblesse dans le swing. Ce répit, peut-être imprévu, nous laisse finalement mieux apprécier le retour de Clark Terry qui réinvente encore une fois le thème. La fin est à l’image du reste joyeuse, échevelée et parfaitement dans le tempo.

08 Squeaky’s Blues (à venir… )